Le satanisme : entre fausses croyances et vraies religions
Le satanisme est un mot qui peut faire peur, à tort ou à raison, tant il exprime la crainte, les forces obscures et ses liens avec une certaine violence. Dans tous les cas, il laisse rarement indifférent car il est chargé d’idées et de croyances profondément ancrées dans l’inconscient collectif. Anecdotique en France où il bénéficie d’une image qui reflète rarement la réalité, il est présent dans les pays anglophones. D’ailleurs, certains pans de cette religion peu ordinaire sont même officiellement reconnus. Partons donc à la découverte de cette forme de culte, ou plutôt de “ces” formes de culte, tant cet univers est complexe et difficile à cerner.
Le satanisme d’hier à aujourd’hui
Petite histoire du satanisme contemporain
Même s’il est impossible de résumer l’histoire du satanisme en quelques lignes, nous nous intéresserons ici aux origines de celui qu’on qualifie de “contemporain”.
En effet, la représentation du mal sous l’apparence d’un diable est extrêmement ancienne et indissociable de l’histoire des hommes et de leurs croyances. Cependant, elle n’a donné lieu à des formes structurées de religion que fort récemment. En effet, l’une d’elles apparaît en France, vers la fin du XVIe siècle, sous la forme d’un culte voué à Satan. Elle se caractérise par une opposition aux pratiques chrétiennes et par des rites sacrificiels.
L’affaire des poisons qui secoue le règne de Louis XIV met au jour des pratiques satanistes, organisées par l’abbé Guibourg et Catherine Deshayes, dite “La Voisin”. Cette dernière sera brûlée en place de Grève comme sorcière, après avoir tué plusieurs milliers d’enfants nés avant terme. Dans les siècles suivants, Satan, par le biais de différentes œuvres littéraires, va devenir un personnage qui inspire plus de fascination que de crainte. Enfin, au XXe siècle, certains scientifiques se penchent sur les phénomènes de possession en tentant de les redéfinir sous la forme de maladies mentales. Les exorcistes délaissent alors leurs pratiques de désenvoûtement pourtant efficaces pour aider les médecins à soigner ces pathologies.
Qui dit satanisme dit vénération du diable
Oui… Et non. En effet, si l’on parle bien ici de Satan, il serait cependant réducteur de considérer le personnage comme la simple représentation du mal absolu. Il s’agit, en fait, d’un être auquel on prête de nombreuses caractéristiques. Souvent défini comme “l’anti-dieu”, et se représente difforme, cornu et aux pieds fourchus.
Ce démon désigne également l’adversaire et, en conséquence, celui qui s’oppose à la toute-puissance divine. Il est parfois lié au principe saturnien qui symbolise la matérialisation. Donc, dans notre cas, la lumière qui tombe dans la matière, rappelant, en quelque sorte, le schéma de Lucifer. Pour rappel, il se nomme ainsi car il “apporte” (“fer” en latin signifie “porter”) la lumière (“Luci” signifie “lumière”) aux hommes. D’ailleurs, il arrive au cours de l’évolution des religions que Satan et Lucifer se confondent.
Or, Lucifer n’est pas vraiment une figure diabolique puisqu’il était autrefois un ange siégeant au paradis. S’il a été déchu et donc puni par Dieu, c’est pour avoir transgressé ses droits en éclairant la vie des hommes.
En conséquence, Lucifer bénéficie d’une image beaucoup moins négative, moins brute que celle de Satan. En fait, il lui apporterait presque une part d’humanité. On retrouve un peu ces mêmes attributs dans l’arcane XV du Tarot de Marseille, “le Diable”.
En effet, parmi les multiples interprétations possibles de cette carte, l’une d’elles se traduit par : “Je vais t’éclairer”. Sa présence dans un tirage apporte donc plus de clarté, une meilleure compréhension. Même si elle peut aussi l’entacher d’activités louches liées à l’argent ou à la sexualité.
Bref, cette complexité sur ce qui définit Satan reflète bien, d’une certaine façon, ce qu’est le satanisme. Non pas une religion unique, mais de nombreux mouvements qui revendiquent chacun une certaine façon de vénérer un démon ou seulement certains des caractères qu’on lui attribue.
Le satanisme de nos jours
Il existe deux grands courants satanistes modernes :
- Le satanisme théiste,
- Le satanisme non théiste (ou LaVeyen)
Le premier courant, dit “traditionnel”, se réfère à une organisation religieuse qui vénère Satan, chef des anges déchus. Il se considére comme celui qui apporte la lumière (Lucifer) et qui souhaite étendre son royaume parmi les hommes. Ses rites sont généralement en lien avec des pratiques relevant de l’ésotérisme, et faisant appel à la magie noire. D’ailleurs, c’est au cours de messes noires qu’on invoque le démmon. Dans certains cas extrêmes, ils donneraient lieu à des pratiques réprouvées par la morale.
Le second courant se distingue du premier par l’absence de vénération à une entité diabolique. Il se définit plus comme une philosophie qui prône la mise en avant des valeurs individuelles à tendance égotiste.
L’image du satanisme en France
Dans notre pays, le satanisme regrouperait seulement quelques centaines d’adeptes. Mentionnons que certaines publications ne sont pas d’accord et font état de plusieurs milliers de satanistes en France. Ce dont on est sûr, c’est que ceux-ci sont relativement jeunes et ont majoritairement moins de trente ans. Beaucoup d’idées fausses circulent sur les rites sataniques et sur l’apparence de leurs participants. On les imagine souvent habillés tout en noir, arborant des croix renversées ou des pentacles sur leurs T-shirts, écoutant des groupes d’heavy métal et s’adonnant à des activités occultes.
Cette image caricaturale ne reflète pas forcément la réalité. On l’utilise surtout pour exprimer une certaine haine vis-à-vis de la société, une contestation fasciste ou néonazie. Certains malfaiteurs n’hésitent pas à mettre en avant une intervention démoniaque pour expliquer leurs crimes. Cependant, lorsque l’on creuse un peu, on s’aperçoit que l’acte a été perpétré pour des raisons beaucoup plus ordinaires : argent, vengeance, jalousie…
Différentes religions satanistes
Comme dans le druidisme ou le chamanisme, il n’existe pas une forme unique de satanisme, mais plusieurs courants, plus ou moins structurés. Certains s’organisent sous forme d’une véritable religion vouant un culte à Satan. D’autres se rapprochent plutôt d’une philosophie, mettant en avant un ou plusieurs des caractères de celui-ci. N’ayant pas la prétention de tous les présenter ici, je vais vous dresser le portrait de quelques-uns pour vous donner une idée des différentes formes existant dans le monde.
Les lucifériens ou le culte d’un démon meilleur que les autres
Les lucifériens font partie de ce qu’on appelle les satanistes “fondamentaux”. C’est-à-dire qu’ils respectent la doctrine qui est à l’origine de leur mouvement. Ils vouent un culte à Lucifer qu’ils distinguent nettement de Satan, arguant que le premier est moins maléfique que le second. En général, les satanistes “purs” n’apprécient guère les lucifériens qui revendiquent leurs différences, plutôt que leurs ressemblances. Pourtant, ces derniers font bien partie des satanistes car ils vouent un culte à un ange déchu qui, s’étant opposé à Dieu, a été chassé du paradis.
De la même façon que ce dernier, la représentation divine est considérée comme le mal et la cause principale du malheur des hommes. Traditionnellement portés vers des rites d’adoration de Lucifer, ange le plus magnifique par essence, les adeptes se tournent aujourd’hui de plus en plus vers une doctrine wiccane. Pour rappel, la Wicca est un mouvement religieux qui met la nature au cœur de ses pratiques. Elle partage d’ailleurs un certain nombre de rituels avec les druides (notamment les fêtes comme la Samhain ou Imbolc).
De plus, le type de relation à la terre et aux éléments que les lucifériens entretiennent, rappelle celle des chamans. D’autre part, le Wiccanisme a apporté aux lucifériens le culte de Lilith et certains rituels de magie blanche. Ainsi, les lucifériens vouent en fait un culte au couple Lilith-Lucifer. Celui-ci représente l’équilibre entre le féminin et le masculin et, en quelque sorte, le miroir d’une sexualité particulièrement présente dans les croyances du mouvement.
L’Église de Satan
L’Église de Satan est relativement récente puisqu’elle existe seulement depuis 1966. D’ailleurs, son fondateur (Anton Szandor Lavey) considère cette année comme l’année “une”. Celui-ci en était le grand-prêtre jusqu’en 1997, année de sa mort. Il semblerait que la création d’une telle organisation avait pour but initial de donner un élan à ses affaires. Les dogmes sont expliqués dans divers ouvrages, dont la Bible satanique écrite par son fondateur.
L’Église fonctionne avec un système hiérarchique très organisé. Chaque niveau correspondant aux compétences des membres. Dans les années soixante et soixante-dix, l’Église va être beaucoup médiatisée et elle apparaît dans divers films et documentaires. Elle va ensuite être à l’origine de différentes productions cinématographiques et musicales. Les dogmes de l’Église reposent sur neuf affirmations citées au début de la Bible satanique. Elles définissent différentes représentations du démon comme l’indulgence, la sagesse, la bonté, etc. L’organisation est aujourd’hui l’un des mouvements satanistes les plus influents au monde.
Le temple de Seth
Le temple de Seth est né de la sécession d’un membre de l’Église de Satan, Michael Aquino. Alors qu’Anton Lavey envoie ce dernier fonder un nouveau lieu de culte en Californie, Michael Aquino outrepasse ses droits en mettant en place de nouvelles règles. La rupture avec l’Église de Satan va être consommée en 1975, alors que les deux hommes ne parviennent plus à se mettre d’accord sur sa représentation. En effet, pour Aquino, celui-ci ne serait autre que Seth, une entité qui lui indiquerait la voie à suivre.
Sinon, le Temple de Seth a une organisation semblable à l’Église dont est issu avec, entre autres, un système hiérarchique très structuré.
Le Temple satanique
La religion du Temple satanique, souvent confondue à tort avec celle de l’Église de Satan, est une religion non théiste (c’est-à-dire, sans vénération d’une divinité). Il faut souligner que les USA la reconnait officiellement. Pour ses adeptes, Satan ne représente pas une figure du mal. Ils le considére plutot comme l’opposant : celui qui s’oppose à une certaine autorité.
Par conséquent, faire partie du Temple, c’est exprimer sa différence et vivre en contradiction avec les pouvoirs en place. Au Temple satanique, le surnaturel n’entre pas en ligne de compte, la magie noire ne fait donc pas partie de ses rites. La religion repose sur sept principes ou “tenets” qui peuvent être résumés de la façon suivante :
- Encourager la compassion et l’empathie envers toute créature.
- Lutter constamment pour la justice qui devrait être considérée comme plus puissante que les institutions et les lois.
- Respecter le corps et la volonté de chacun.
- Respecter la liberté de chacun.
- Mettre en accord croyances et faits scientifiques.
- Corriger le mal qui a été fait, en n’oubliant pas, cependant, que l’erreur est humaine.
- Considérer que chacun de ces tenets a pour but d’élever ses actes et sa façon de penser.
Les autres groupuscules satanistes
Certains adeptes du satanisme ne se réclament d’aucune organisation et ont tendance à emprunter des préceptes appartenant à divers courants satanistes. Aussi, ils n’ont pas peur d’y ajouter des principes tirés d’autres approches (néonazisme, ésotérisme hérité de sectes, astrologie, etc.).
Cette religion “d’amateurs” attire surtout des jeunes qui ont du mal à trouver leur place dans la société actuelle . Elle représente pour eux une tentative d’exister au travers de rituels et de la création de leur propre modèle de croyances. Il tirent leur inspiration à partir de ce qu’ils ont vu au travers de films ou de livres fantastiques, ou de ce qu’ils ont lu sur Internet. Ils peuvent également rejoindre des groupuscules agissant dans l’ombre, avec le risque cependant d’une marginalisation plus ou moins marquée.
Les rites sataniques
La vie des adeptes des différentes Églises et mouvements satanistes se rythme par des rituels visant à les rassembler, autour de pratiques communes, et à célébrer l’être qu’ils vénèrent.
La messe noire
La messe noire est le plus courant et le plus connu des rituels sataniques. Elle reprend les éléments d’une messe classique en les inversant. Si elle doit, normalement, être officiée par un prêtre catholique, les symboles s’orientent résolument vers le satanisme. Cela se traduit par l’utilisation de couleurs sombres (hosties, cierges et vêtements noirs), de formes triangulaires et de liquides comme de l’urine, ou du sang animal ou humain. Si les sacrifices ne sont plus de mise de nos jours, la messe noire s’entache cependant de secrets. Seuls les adeptes savent ce qui s’y passe véritablement. De plus, on soupçonne certaines sociétés secrètes de recourir au terme “messes noires” pour y cacher des pratiques libertaires.
Les autres rituels sataniques
Un des autres rituels sataniques a pour nom “L’air épais“. Il viendrait des Templiers, pour marquer le passage d’un des participants à un niveau supérieur. Il se nomme ainsi car l’officiant mène le rituel en étant allongé dans un cercueil. Ce rituel symbolise la renaissance de l’individu et son éveil dans une dimension supérieure.
On retrouve ce type de symbole également dans le baptême satanique. Celui-ci est l’occasion de libérer l’individu du lien avec son ancienne religion, généralement non choisie, car imposée dans l’enfance. D’autres rituels ont pour but d’aider certaines personnes à atteindre un objectif. À l’inverse, les rituels de destruction sont mis en place pour attirer le mauvais œil sur une personne.
La marque du satanisme au cœur de différents univers
La musique “métal”, l’univers gothique et les groupes de motards “Hells Angels” semblent véhiculer des idées en rapport avec les croyances satanistes. En effet, ils utilisent des symboles communs qui permettent de s’interroger sur leur appartenance ou non à des groupes occultes.
La musique heavy métal pour crier sa révolte
La musique heavy métal est une forme de rock apparue à la fin des années soixante. Elle s’assimile au hard rock, genre marqué, entre autres, par des sons agressifs. Cependant, le heavy métal va vite s’éloigner de ses racines pour devenir un genre musical radicalisé. Le blues disparaît alors totalement de ses créations au profit de rythmes plus saccadés et plus durs. Il est cependant difficile de résumer la musique métal à un genre unique, tant elle emprunte des symboles à de multiples univers.
Par contre, on ne peut pas nier que de nombreuses références à l’univers satanique se retrouvent dans la musique métal :
- Les noms de groupes, comme “Seth” ou “Samael” (l’un des patronymes de Satan).
- Les paroles de leurs chansons qui évoquent notamment la profanation de tombeaux, des viols, des massacres et citent même directement Satan.
Même si tous les groupes de métal ne surfent pas sur une vague aussi violente, ils ont tous en commun de revendiquer leur opposition face aux idées et structures sociétales en place. De plus, de nombreux clips mettent en scène des images rappelant les rites sataniques. Les concerts sont également l’occasion de mettre en avant des symboles satanistes comme le pentagramme, des représentations du diable ou le chiffre 666 (dit “le chiffre de la Bête“). Il faut souligner qu’ils sont souvent accompagné d’actes violents.
Le gothisme : quand le noir est couleur
Le gothisme est un mouvement culturel qui est apparu dans les années soixante-dix, en lien avec la musique punk. Il s’inspire de la littérature gothique et du cinéma fantastique et expressionniste allemand. Les gothics se distinguent par un look vestimentaire entièrement noir, avec une recherche esthétique importante et remarquable, jusque dans les moindres détails. Les groupes musicaux gothiques s’entourent d’une aura sombre, flirtant parfois avec la morbidité. En arborant des symboles tels que le pentagramme, l’affiliation avec le satanisme semble évidente.
Il ne faut pas confondre les deux mouvances : gothic ne veut pas forcément dire sataniste et inversement. Cependant, il reste des éléments difficiles à ignorer comme des thématiques communes et l’opposition clairement marquée à l’ordre défini. Chez les jeunes, on ne peut que constater cette frontière fragile entre ces deux “mondes”.
Il semble qu’il suffirait de peu, d’une perte de repères ou d’un événement tragique, pour que la personne glisse du gothisme vers le satanisme.
Le risque est de se marginaliser au sein d’une société où beaucoup de jeunes ont du mal à trouver leur place.
L’attrait d’un groupe, quel qu’il soit, est séduisant dans la mesure où le jeune trouve des interlocuteurs prêts à l’écouter et à le guider dans une voie où des réponses lui seront données.
Les Hells Angels : des motards venus de l’enfer
Le premier groupe de motards californiens “Hells Angels” est né dans les années cinquante. En vingt ans, d’autres groupes vont être créés jusqu’à rayonner aujourd’hui dans une trentaine de pays. Au premier abord, ce sont juste des passionnés de moto qui apprécient de rencontrer d’autres membres au sein d’un club.
Cependant, la réalité diffère quelque peu.
En effet, il est souvent difficile de faire la part entre ce qu’est la réalité du satanisme et les idées véhiculées à son sujet, tant le mystère dont il s’entoure reste épais. Si les Hells Angels sont régulièrement pointé du doigt par les médias, en particulier aux États-Unis, s’est qu’ils sont souvent au centre de nombreux faits divers.
Il est cependant clairement établi que les Hells Angels ne reflètent pas du tout ce que représente la polymorphie sataniste.
En effet, il s’agit d’un système religieux complexe avec ses fonctionnements propres et ses rituels. Or, comme dans toute religion, les croyances des adeptes devraient être respectées, à partir du moment où elles ne menacent pas la vie ou l’intégrité d’autres personnes.
Pour conclure…
Le satanisme est régulièrement pointé du doigt par les médias à l’occasion de certains faits divers. Cependant, il est clairement établi que ceux-ci ne reflètent pas vraiment ce que représente la polymorphie sataniste. En effet, il s’agit d’un système religieux complexe avec ses fonctionnements propres et ses rituels. Or, comme dans toute religion, les croyances des adeptes devraient être respectées, à partir du moment où elles ne menacent pas la vie ou l’intégrité d’autres personnes.
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