La sorcellerie : définition, présentation et origine

la sorcellerie : définition et origine

Sommaire :

  • La sorcellerie : Mythe ou réalité ?
  • Définitions et amalgames concernant le terme sorcellerie
  • Christianisme et surnaturel : apparition d’une nouvelle définition de la sorcellerie
  • Sorcellerie, Wiccanisme et le Livre des Ombres
  • Rétrospective historique autour de la sorcellerie
  • La résurgence de la sorcellerie sous un aspect positif
  • La magie et la sorcellerie : éléments de la religion chrétienne
  • Reconfiguration de la sorcellerie traditionnelle par le christianisme
  • Restitution actuelle du sens des mots sorcière et sorcellerie
  • La sorcellerie en Afrique

La sorcellerie est depuis longtemps une source de fascination et de mystère pour de nombreuses personnes. Il s’agit d’une pratique ancienne, entourée de légendes et de mythes, qui a pourtant réussi à survivre à travers les siècles sous diverses formes dans le monde entier. S’il existe de nombreuses définitions de la sorcellerie, ses origines remontent aux cultures préchrétiennes, qui avaient leurs propres croyances en matière de magie et de pouvoirs surnaturels. Dans cet article, nous examinerons certaines des fausses idées qui entourent ce mystérieux mot, ainsi que son histoire et ses interprétations modernes. Nous examinerons également comment le christianisme a façonné notre compréhension des sorcières et de la sorcellerie au fil du temps. Enfin, nous verrons comment les praticiens d’aujourd’hui pratiquent l’envoûtement modernes.

La sorcellerie : Mythe ou réalité ?

La sorcellerie en tant que mythe

Diverses représentations accompagnent l’image de la sorcière. On les symbolise souvent comme étant des êtres sombres et malfaisants, au physique repoussant et au nez marqué de verrues. Plus encore, on les imagine soit sur un balai survolant le ciel un jour de pleine lune, soit chez elles, dans une vieille maison, courbées sur un chaudron en train de préparer des potions magiques. 

Par ailleurs, dans la culture populaire, on dépeint la sorcière comme étant une femme au foyer bienveillante (Ma sorcière bien-aimée), une adolescente, jeune disciple de sorcellerie qui essaye de perfectionner ses pouvoirs (Sabrina l’apprentie sorcière), ou encore un trio de sœurs engagées contre les forces maléfiques (Charmed). 

mythe de la sorcière

Une réalité incontestable

Néanmoins, la réelle histoire des sorcières n’est pas ce que l’on montre à la télévision. Elle se jonche de violence, de torture et d’exécutions. Ainsi, la sorcellerie et la chasse aux sorcières ont été largement pratiquées presque partout dans le monde.

Cependant, la réalité de la sorcellerie n’est pas si évidente. Elle varie selon l’époque et l’endroit. Par exemple, la vieille vision de la sorcellerie européenne soutient que cette dernière n’a jamais existé. Cette version de l’histoire assure que l’Église l’ont inventée pour gagner en puissance et en prestige. On aurait créé l’idée de sorcellerie pour blâmer les superstitions répandues à travers les siècles au sein de l’Europe chrétienne. Autrement dit, la sorcellerie aurait servi de tremplin aux catholiques.

Pourtant, à la même époque, en Afrique, on exécutait des personnes si le motif d’accusation qui les visaient été la sorcellerie. On accuse ces présumées sorcières d’une série de griefs tels que provoquer l’impuissance, les maladies et la mort. De plus, on les soupçonnerait même de rendre le lait aigre.

Définitions et amalgames concernant le terme sorcellerie

 

La sorcellerie vue par la Wicca

Le terme « sorcellerie » reste malgré tout équivoque. En effet, différentes personnes utilisent les mêmes mots pour parler de réalités fondamentalement différentes et parfois sans rapport. Par exemple, en Amérique et en Europe, il existe de nouvelles formes de religion (Wicca). Ses partisanes s’identifient publiquement comme des « sorcières ». Elles adhèrent généralement aux valeurs féministes et à l’éthique du « d’abord ne pas nuire ». De telles sorcières écrivent occasionnellement des lettres à des rédacteurs en chef de journaux africains. Elles demandent pourquoi les gouvernements locaux ne protègent pas pleinement les droits des « sorcières ». Notamment en ce qui concerne le fait de pratiquer leur métier comme elles le souhaitent.

 

Une définition ambiguë de la « sorcière »

Les anthropologues et linguistes ont découvert dans des centaines de langues et de cultures une idée répandue de la sorcellerie. Cette idée — bien que non universelle — est que des tiers humains malveillants causeraient les malheurs et les décès. Ces personnes feraient un usage socialement désapprouvé du pouvoir occulte et surnaturel pour nuire à autrui. Dans certaines cultures, il y avait une distinction entre ceux qui faisaient du mal aux autres avec un pouvoir psychique inné (inconscient), et ceux qui en faisaient par le pouvoir (conscient) exercé par la manipulation de techniques magiques apprises.

« Sorcière », selon les anthropologues, désigne en terme indigène ceux qui utiliseraient un pouvoir inné ou psychique pour causer le mal. Le terme « magicien/magicienne » pour ceux qui useraient consciemment de pratiques magiques apprises et acquises pour nuire aux autres.

Mais la plupart des cultures ne maintiennent pas systématiquement cette distinction. De ce fait, il est courant aujourd’hui que les anthropologues utilisent le terme « sorcière » dans son sens péjoratif. Ce dernier désigne toute personne qui aurait causé le malheur par des moyens psychiques, magiques ou autres pouvoirs occultes.

 

Sorcellerie, sorcière et « sorcier guérisseur »

Dans les sociétés qui attribuent le malheur et la mort à des individus identifiés comme sorcières ou sorciers, il existe souvent une autre catégorie de praticiens. En effet, les magico-religieux agissent avec l’approbation sociale pour combattre la sorcellerie.

chamanisme

On traduit souvent les termes autochtones pour cette autre catégorie par « sorcier », « devin », « chaman » ou tout simplement « guérisseur ». Dans la plupart des sociétés qui avaient à la fois des « sorcières » (mchawi) et des « sorciers guérisseurs » (mganga), on considérait la « sorcière » comme agissant à des fins antisociales — faisant du mal à autrui — et le « sorcier-guérisseur » comme agissant à des fins prosociales — faisant du bien aux autres.

Cependant, avant la présence du christianisme dans ces sociétés, on considérait que la « sorcière » maléfique et le bon « sorcier » tiraient de la même source leurs pouvoirs. Ces derniers n’étaient ni intrinsèquement mauvais ni bons.

Christianisme et surnaturel : apparition d’une nouvelle définition de la sorcellerie

Dans la plupart des sociétés archaïques dont est issue la sorcellerie, il y avait souvent un concept de « grand dieu », alors que celui de « Satan » y était absent. En effet, un être surnaturel non humain complètement mauvais, que l’on oppose à Dieu et au bien n’existait pas. Encore moins sous la forme d’un esprit aux pouvoirs surnaturels considéré comme fondamentalement mauvais.

Ainsi, avant l’influence du christianisme, on ne basait aucunement le jugement moral du pouvoir exercé sur le fait que la faculté magique était censée venir de Dieu ou de Satan.

Il faut souligner que dans la plupart des cultures où la figure de la « sorcière » et celle du « sorcier guérisseur » sont opposées l’une à l’autre, ce ne sont pas seulement ces deux catégories de personnes qui pouvaient exercer un pouvoir surnaturel. En effet, un large éventail d’autres pratiques magico-religieuses ont également été menées par diverses personnes qui elles-mêmes n’étaient identifiées ni par le terme autochtone pour sorcier/sorcière ni par celui de sorcier guérisseur/chaman.

La magie de la fertilité, l’utilisation protectrice de charmes ou d’amulettes, la magie blanche, la magie rouge pour l’amour, l’utilisation de la magie à des fins de prédictions, pourraient être portés par pratiquement toute personne ayant les connaissances requises.

L’apparition de la notion de bien et de mal dans la sorcellerie

Ainsi, il n’y a pas d’images d’une figure surnaturelle non humaine de Satan dans ces sociétés antérieures. Toutes pratiques magico-religieuses qui n’étaient pas associées à la sorcière ou au sorcier guérisseur n’étaient pas considérées comme nécessairement mauvaises. Leurs pratiquants n’étaient pas définis comme ayant l’intention de nuire aux autres.

La présence influente du christianisme s’est accompagnée de pressions afin de changer les hypothèses fondamentales. Selon les compréhensions chrétiennes, on sentait souvent que toute puissance surnaturelle authentique devait être soit de Dieu, et donc bonne, soit de Satan, et donc anti-Dieu et mauvaise.

L’influence de la mauvaise traduction du mot « sorcière »

On associait facilement l’image traditionnelle de la sorcière et Satan. Puisque sorcier guérisseur et sorcière étaient tous deux sources de mal. En effet, comme les langues autochtones manquaient généralement de mots qui correspondent étroitement à l’idée de Satan, on utilisait souvent des termes associés aux sorcières humaines ou à la sorcellerie pour traduire l’idée de Satan. 

Actuellement, les chrétiens utilisent cette dénomination pour désigner « le diable ». À cet égard, l’anthropologue allemande Birgit Meyer a travaillé sur comment les premiers missionnaires du Ghana ont traduit Satan par Abonsam, un terme Akan qui, selon elle, était à l’origine compris comme synonyme de « sorcière ». Ainsi, chaque référence chrétienne à Satan devient simultanément une référence et une ratification de l’idée de sorcière. On a souvent utilisé des mots autochtones signifiant « sorcière » pour traduire l’idée de Satan. L’association entre sorcière et Satan devient alors facile et fréquente.

En effet, puisque traditionnellement on pensait que le « sorcier guérisseur » avait le même pouvoir que celui de la sorcière, et puisque le pouvoir de la sorcière était de Satan, alors le pouvoir du sorcier devait l’être aussi. Sur cette base, les « sorciers guérisseurs » avaient le même pouvoir que la sorcière avant même la présence du christianisme. De ce fait, on les soupçonnait assez souvent d’être eux-mêmes secrètement sorciers maléfiques.

Autrement dit, l’image du chaman ou du guérisseur magique était souvent quelque peu ambiguë. Pour de nombreux chrétiens, les sorciers et sorcières tiraient vraiment leur pouvoir de Satan. De plus, si tout pouvoir magico-religieux venait nécessairement de Dieu ou de Satan, alors toutes les formes traditionnelles de pratique et de pouvoir magico-religieux doivent être catégorisées comme de Satan ou de Dieu.

Sorcellerie, Wiccanisme et le Livre des Ombres 

Les stéréotypes qui collent à la peau des sorcières actuelles ont du mal à être évacués. Actuellement, la sorcellerie se résume surtout dans la pratique du Wiccanisme, l’une des religions les plus anciennes du monde. En effet, les wiccans évitent à tout prix le mal. Leur pratique se résume en ces mots : « ne nuire à personne ». Ils s’efforcent de vivre en harmonie avec la nature et l’humanité. Ils sont pacifiques, tolérants et équilibrés.

 

La sorcellerie d’aujourd’hui

Aujourd’hui, beaucoup de sorcières font de la sorcellerie, mais elle ne comporte que très rarement les versants « maléfique et occulte ». Cette magie est souvent issue de leur propre livre des ombres. Cet ouvrage est un recueil de sorcellerie. On peut l’associer aux prières et rituels pratiqués dans d’autres religions. Actuellement, une incantation ou une potion de sorcellerie est plus susceptible d’être une médication herbacée pour soigner un rhume qu’un sort qui nuirait à autrui.

comment devenir sorcière

En effet, la sorcellerie moderne est pratiquée à des fins bienfaisantes. Grâce aux médias actuels, devenir sorcière est à la portée de tous. Encore faut-il trouver les bons renseignements et les bons rituels. La sorcière moderne s’adonne aujourd’hui à combattre le mal par la voie de la magie blanche. Et bien que l’histoire admette l’existence de sorcières malfaisantes, la plupart l’ont utilisée pour soigner les autres ou se soigner elles-mêmes.    

Une violence toujours présente

Mais les sorcières font toujours face à la persécution et à la mort. Plusieurs hommes et femmes soupçonnés de recourir à la sorcellerie ont été battus et tués en Papouasie-Nouvelle-Guinée depuis 2010, dont une jeune mère qui a été brûlée vive. Des épisodes similaires de violence contre des personnes accusées d’être des sorcières se sont produits en Afrique, en Amérique du Sud, au Moyen-Orient et dans des communautés d’immigrants en Europe et aux États-Unis.

Rétrospective historique autour de la sorcellerie 

L’histoire des sorcières est à la fois antérieure à la science et à la médecine. Pourtant elle est reliée à celles-ci. En effet, avant qu’il n’y ait des médecins, il y avait des guérisseurs traditionnels, qui conjuraient la maladie et la mauvaise santé grâce à des remèdes et des rituels traditionnels. Leur pouvoir était en grande partie basé sur la maison et le foyer, et par conséquent traditionnellement féminin. En outre, on aurait utilisé le balai pour nettoyer un espace intérieur afin de recevoir celui qui cherchait à guérir, bien avant que l’image littéraire de la chevauchée dans le ciel nocturne ne soit conçue.

rituel vaudouique

Les guérisseurs populaires âgés dotés de facultés magiques, en harmonie avec les forces invisibles de la nature, pouvaient être aussi bien craints que vénérés.

Mais l’idée de la méchante sorcière causant l’affliction à distance l’accompagnait malheureusement. Alors que la science affrontait la tradition en Occident, on considérait de plus en plus la magie comme occulte et effrayante.

D’autres sociétés jouissaient d’une intégration plus douce ou même d’une coexistence société/sorcellerie comme dans la religion vaudou.

Par ailleurs, d’anciennes traditions liées à la sorcellerie se vivaient dans les marges de la société. 

La résurgence de la sorcellerie sous un aspect positif

L’image négative de la sorcière a culminé à Salem, avec des accusations de sorcellerie sauvagement lancées contre des innocents à la suite de coïncidences, cimentant l’image moderne de la méchante sorcière.

Cependant, il y a une résurgence croissante de la « bonne sorcellerie », de la magie blanche et d’autres approches similaires. Parmi les jeunes générations, la recherche d’une sagesse ancienne et d’un lien plus profond avec la nature devient importante. Les Wiccans seraient prompts à se distinguer des terreurs de Salem ou de la sorcière de la fête d’Halloween, malgré leur origine commune. Et c’est pour cela qu’il existe de nombreuses ressources qui croisent l’histoire des sorcières et de la sorcellerie — des racines historiques aux Wiccans modernes —, à des fins de restitution historique.

La magie et la sorcellerie : éléments de la religion chrétienne

La pratique de la magie n’a pas toujours été étrangère au monde chrétien. En effet, dans certains cas, les pratiques et les rituels associés à la magie existaient dans le domaine de l’église. Jusqu’à la Réforme protestante, l’Église catholique contrôlait l’entrée au ciel. Elle avait également pleinement recours aux pouvoirs magiques des saints. Elle utilisait également les mystères. Plus tard, on dénonçait tout cela comme des rituels magico-religieux.

Ainsi, à la fin du Moyen-âge, le praticien de magie noire, à savoir la sorcière, qui tient son pouvoir d’un pacte avec le diable, est une nouvelle idée et fait son entrée dans le discours catholique.

Point de bascule de la sorcellerie comme hérésie

Les notions historiques du praticien de la magie en tant que sorcier, appelé « la sorcière », ont finalement absorbé un caractère hérétique et ont été ratifiées dans la publication du célèbre Malleus Maleficarum en 1486 par deux inquisiteurs de l’ordre dominicain nommés Jacques Sprenger et Heinrich Kramer.

On a porté cette notion à sa conclusion dans ce que l’on appelle « l’engouement pour les sorcières ». De ce fait, on a retenu cela dans les discours religieux protestants, ce qui a mené à une centralité de la magie dans les persécutions qu’elle a subies.

Et pourtant, une telle antipathie et une telle peur n’émanaient que d’un seul courant du christianisme. En effet, ces positions se sont développées dans les cercles religieux contre la magie et la sorcellerie (ou du moins certains types de celles-ci) suite à une séparation idéologique. 

Le rôle du protestantisme dans la stigmatisation de la sorcellerie

Dans le christianisme post-Réforme, le catholicisme a été appelé « la vieille religion ». Le protestantisme s’en distinguait comme étant libéré des entraves du papisme, de la magie, de la superstition et du monachisme. La croyance protestante en la prédestination a marqué un fossé croissant entre les conceptions relieuses et magiques. Et cela par la croyance que les prédictions de Dieu sur toutes les choses passées et présentes sont entravées par la magie, à la fois non chrétienne et irrationnelle.

Cette rationalisation croissante de la religion a conduit à l’élimination progressive du rituel magique et des éléments charismatiques qui avaient été au centre de la religion. Cette dernière s’est maintenant développée comme une autorité juridico-rationnelle, contrairement à l’enchevêtrement de la religion et de la magie qui était soutenu dans les traditions chrétiennes hétérodoxes et qui avaient surgi à la suite de divisions après la Réforme. 

Beaucoup de ces traditions ont adopté de riches rituels cérémoniels et des pratiques des églises chrétiennes orthodoxes. Le renouveau occidental de la « haute magie » était particulièrement présent dans la magie cérémonielle des sociétés secrètes telles que les francs-maçons, l’ordre des rosicruciens et autres.

Tolérance et intolérance de la sorcellerie dans le christianisme

Ainsi, on stigmatisait moins la magie à l’époque de la Renaissance, même si on la pratiquait en secret tout en la considérant comme occulte. Ce qui unissait ces églises et traditions disparates semblait être leurs pratiques ritualisées, et le fait qu’elles étaient toutes, à divers moments, sujettes à des accusations et à des soupçons d’irrégularité sexuelle, d’occultisme et de pratique de la magie, ratifiant ainsi leur nécessaire exclusion de l’orthodoxie religieuse.

Reconfiguration de la sorcellerie traditionnelle par le christianisme

Au Ghana, les gens ont commencé à avoir des opinions différentes sur les croyances en sorcellerie. Il en va de même dans d’autres pays où les gens croient au christianisme.

Dans le cadre d’un tel changement, on peut désigner et identifier comme pratiquant la sorcellerie le guérisseur traditionnel. Mais aussi ceux qui ont versé des libations lors d’un mariage, ont utilisé un charme ou fait usage d’une amulette. Désormais, on soupçonnera de sorcière quiconque utilise une pratique traditionnelle de ce type. Aussi, le nombre de personnes que l’on pourrait montrer du doigt comme des sorcières augmente. 

Cette nouvelle conception de la sorcellerie permet également aux responsables chrétiens de penser qu’ils ont des pouvoirs spéciaux. Ces pouvoirs sont généralement détenus par des personnes appelées « guérisseurs » ou « chamans ». 

Restitution actuelle du sens des mots sorcière et sorcellerie

Ainsi, la principale préoccupation de cet article est de nous éclairer sur la signification de certains mots que nous utilisons. Maintenant, nous pouvons mieux admettre et employer le mot sorcière. Cela correspond mieux aux réalités empiriques, interculturelles, historiques et anthropologiques. On ne réserve pas le terme qu’aux personnes accusées d’être la cause du malheur d’autrui. En effet, il y a de nombreuses cultures qui ont des pratiques magico-religieuses positives. Elles sont représentées par des personnes qui n’ont rien à voir avec le fait de nuire aux autres. Cependant, il est utile de comprendre le mot sorcellerie, afin de le distinguer intelligemment des autres pratiques magico-religieuses. Car aujourd’hui, d’autres termes tels que magie blanche, magie rouge, wicca et autres, décrivent ces pratiques non maléfiques.

La sorcellerie en Afrique

sorcellerie africaine

En Afrique, les gens ordinaires voient les sorcières sous un autre aspect. Ce sont des femmes et des magiciens décriés. À cet égard, ils se répartissent en deux grandes catégories :

  • Les sorcières à travers lesquelles on explique la survenue du malheur, fondé sur des évènements réels.
  • Les sorcières qui sont entièrement fantasmées. 

La première catégorie comprend les pouvoirs qui empêchent les vaches de donner du lait, les poules de pondre des œufs, de provoquer des maladies et la mort. La seconde comprend des pouvoirs tels que voler comme un oiseau et se transformer en lièvre.

Au Swaziland (petit pays d’Afrique), la sorcellerie africaine émane généralement d’une coépouse jalouse, reflétant les tensions dans le foyer polygame. Il existe une croyance générale selon laquelle la maladie et les autres évènements malheureux sont liés à la sorcellerie.

Et c’est à cause de cela que les femmes âgées identifiées comme sorcières risquent d’être assassinées. Cependant, cette vision est surtout présente dans les zones rurales où la pauvreté conduit généralement à des relations humaines et intimes tendues et où la plupart des maladies ne peuvent être expliquées. 

L’Afrique est le berceau d’une histoire longue et complexe de sorcellerie, les croyances dans le pouvoir de la magie et de la sorcellerie remontant à plusieurs siècles. Dans de nombreuses régions du continent, les pratiques traditionnelles sont encore largement acceptées aujourd’hui, malgré les efforts des gouvernements pour les éradiquer. La sorcellerie est devenue une source de peur pour certaines personnes en Afrique, mais aussi une partie intégrante de leur culture et de leur identité pour d’autres. Pour comprendre ce phénomène puissant, il faut aller au-delà des stéréotypes et plonger dans ses racines spirituelles. Cet article explore la signification de la sorcellerie dans les sociétés africaines contemporaines, la manière dont elle est pratiquée et les raisons pour lesquelles elle reste un élément important de la vie dans ces pays.

Impact de la sorcellerie sur la société africaine

Critère social

La sorcellerie comporte de nombreux risques sociétaux qui aggravent la détresse culturelle, les frictions sociales, la méfiance politique et les conflits ethniques. En effet, dans certains pays d’Afrique, la pauvreté, la jalousie et la corruption entraînent le chaos, l’insécurité et la violence. Ces problèmes, d’importance nationale, sont souvent mis sur le dos de la sorcellerie. 

Afin de résoudre ces tensions sociales, la chasse aux sorcières et la sorcellerie elle-même sont décrétées illégales dans la plupart des régions d’Afrique. Par exemple, la loi sud-africaine sur la répression de la sorcellerie a été adoptée en 1957. Elle interdit l’utilisation et la pratique de la sorcellerie traditionnelle sud-africaine.

Cependant, ces dernières années, les accusations de sorcellerie ont atteint des sommets sans précédent. On pense que cela est dû à un développement économique inégal des zones urbaines, reflétant les tensions entre les villageois ruraux et les élites. Plus encore, ce genre de conflits crée de la jalousie entre les membres de certaines communautés africaines.

 

Critère féminin

Certains sociologues affirment que les accusations de sorcellerie contre les femmes africaines sont plus courantes qu’ailleurs. D’après eux, il s’agirait d’essayer de contrôler leur comportement. La sorcellerie devient une justification pour expliquer les relations familiales tendues et les obligations non remplies. Accuser une femme africaine d’être une sorcière la coupera essentiellement de sa famille et de tout héritage futur. En plus de cela, on constate que les accusations de sorcellerie avaient augmenté en raison de plusieurs facteurs :

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  • Famines saisonnières de la saison des pluies.
  • Tensions dans la maison.
  • Frustrations des hommes.
  • Insécurité générale.
  • Privation économique et insécurité alimentaire.

Il est essentiel de noter une autre raison : les loisirs des femmes. Cette dernière signifie que l’on suspecte les femmes africaines ayant du temps libre de s’adonner aux pratiques occultes. Il est donc plus courant de les accuser de sorcellerie si elles n’ont pas de travail. En effet, bien que les hommes et les femmes puissent être des sorciers, la majorité des accusations dans le passé ont été dirigées contre des femmes d’âge moyen.

Le lien entre spiritualité, sorcellerie et vie publique

 

Le 24 février 2013, des milliers de Kenyans se sont rassemblés dans le parc Uhuru à Nairobi (la capitale). Ils participèrent à une réunion de prière organisée par le prophète David Owuor, adepte de magie noire et de sorcellerie.

Les élections parlementaires au Kenya approchaient. Les gens se souvenaient des émeutes meurtrières qui ont suivi les précédentes élections de 2007. Pour éviter une répétition de ces horreurs, les Kenyans du parc Uhuru ont prié pour la paix. Ils ont aussi chanté des hymnes et ont agité des drapeaux blancs.

Au cours de l’évènement, six candidats à la présidentielle ont promis d’assurer un processus électoral pacifique. Ils se sont repentis de leurs péchés, se sont tenu la main et se sont pardonnés mutuellement. À la fin, le prédicateur leur a assuré que le Kenya allait renaître et organiser des élections pacifiques. Les journaux ont couvert la réunion de prière. Ils ont également rapporté avec diligence que le « prophète » avait miraculeusement guéri un aveugle de 10 ans au cours de sa prestation.

Cet exemple montre comment la spiritualité et la sorcellerie sont omniprésentes et importantes dans la politique en Afrique. Les prières ouvrent et clôturent les réunions de famille, les séminaires ou les rassemblements publics. Par ailleurs, la majorité de la population va à l’église le dimanche ou à la mosquée le vendredi.

La sorcellerie comme outil d’interprétation de la réalité

Suivant les croyances, les religions ou les continents, on interprète les évènements de différentes manières. Par exemple, si quelqu’un a un accident de voiture, les Occidentaux supposent que la personne a conduit trop vite, qu’elle a eu un moment d’inattention ou que les freins n’ont pas fonctionné. Un Africain est plus susceptible de dire que quelqu’un a utilisé la sorcellerie pour nuire à la personne concernée, qu’on lui a jeté un sort ou qu’il est victime du mauvais œil. Cette croyance influence de nombreuses facettes de la vie. Elle a même des conséquences sur des questions pratiques telles que la propriété foncière ou l’application des lois.

Le plus souvent, les personnes étrangères aux pays où la sorcellerie est présente pourront utiliser des arguments psychologiques, voire psychiatriques, pour expliquer ce que leurs homologues africains considèrent comme l’influence des fantômes, des esprits, des ancêtres, des malédictions, des bénédictions et des envoûtements. 

mauvais oeil

John Mbiti connaît de telles histoires. Un exemple s’est produit à Accra, la capitale ghanéenne, dans les années 1960. Sur un grand chantier de construction, on a abattu tous les arbres, sauf un qui a résisté à la machinerie lourde. Le contremaître africain a déclaré qu’un fantôme vivait dans l’arbre. Il a suggéré de le désenvoûter avant qu’on l’abatte. On a appelé pour cela un prêtre traditionnel. Ce dernier a demandé trois moutons et trois bouteilles de gin à offrir au fantôme. Il a également demandé qu’on le paye pour ce rituel. On a versé le sang des moutons et le gin sur le sol autour de l’arbre. Ensuite, le sorcier est devenu médium, a parlé avec le fantôme et l’a convaincu de passer à un meilleur arbre. Par la suite, ni bulldozer ni tracteur n’étaient nécessaires. Les travailleurs africains ont facilement déraciné l’arbre à mains nues.

Sorcellerie à 2 visages : la bienfaisante et la malfaisante

Mais la sorcellerie a 2 visages. Cela peut être positif et curatif, mais aussi négatif et destructeur. Un bon exemple est que les gens peuvent forger la paix sous les arbres sacrés après des conflits, des maladies ou des catastrophes naturelles. La cérémonie comprend toujours la guérison de la terre, car après la perte de vies humaines, la terre doit être nettoyée. Elle représente un service commémoratif, mais en même temps, c’est un rituel qui reconnaît la Terre comme la « mère » blessée ou offensée.

Sorcellerie bienfaisante

Les guérisseurs traditionnels, qui tirent leur pouvoir des esprits ancestraux, ont des intentions constructives. Ils aident à guérir les maladies et à faire des prédictions. Un guérisseur peindra son visage en blanc, marmonnera dans un langage étrange et utilisera des objets tels que des cornes d’antilope ou de cobaye, des mâchoires d’impala, des cheveux d’élan ou des peaux de reptiles. Un sorcier guérisseur est très différent d’un guérisseur qui utilise des plantes et la médecine traditionnelle et dont les compétences médicales reposent sur les connaissances traditionnelles et non sur la spiritualité.

 

Sorcellerie malfaisante

Mais il existe bien évidemment de la sorcellerie avec de mauvaises intentions. Cette magie noire est censée rendre quelqu’un malade, voire provoquer la mort ou la folie des gens. David Signer, un anthropologue social suisse, rapporte depuis l’Afrique de l’Ouest que les gens sacrifient des coqs ou des chèvres. Ils lancent aussi des coquilles de cauris pour raconter l’avenir et apprendre comment se développera une dispute avec un ennemi. Il a observé aussi qu’on décore les lieux de cérémonies de fétiches, et que les sorciers fabriquent des amulettes pour ceux qui cherchent de l’aide pour contrer leur adversaire.

David Signer déduit de son travail que la jalousie est à l’origine de la sorcellerie maléfique et nuisible. En effet, personne ne devrait étendre son niveau de richesse ou d’influence au détriment d’autres personnes, en particulier les personnes âgées. Ceux qui deviennent trop puissants ou riches doivent être affaiblis, voire détruits. Et c’est à travers la sorcellerie que ces règlements de compte se font. David Signer voit cette attitude comme l’une des raisons pour lesquelles le développement de certaines régions de l’Afrique est en retard par rapport au reste du monde. Toutefois, ses constatations restent hypothétiques.

Violences et meurtres liés à la sorcellerie

Ce qui reste certain, c’est que la croyance en la sorcellerie est répandue. Les sorciers, qui sont censés combattre la sorcellerie maléfique, affirmeront que les politiciens sont de très bons clients. Des statistiques rapportent qu’au Ghana, 41 étudiants en médecine sur 45 croyaient à la sorcellerie. Plus encore, que les maladies peuvent être causées par des envoûtements et des mauvais sorts.

Cette croyance peut avoir parfois des conséquences dévastatrices. En effet, même dans les pays avancés comme le Ghana et le Kenya, on accuse souvent les gens de sorcellerie. On les persécute et les assassine. Plus particulièrement les personnes âgées et les femmes. Dans le nord du Ghana, il existe des soi-disant « villages de sorcières ». Dans ces endroits, on accuse les femmes de faire de la sorcellerie. La peur des réprimandes violentes les pousse à fuir et à chercher refuge. D’ailleurs, une étude de l’UNICEF a souligné que même les enfants sont victimes de violence en tant que prétendus sorciers en Afrique. Certains sont même tués. Entre 1991 et 2001, environ 22 500 Africains auraient été lynchés au motif qu’ils auraient pratiqué la sorcellerie.  

Entre acceptation et rejet : la réalité de la sorcellerie

Ainsi, bien que la spiritualité reste difficile à évaluer, la sorcellerie est belle et bien réelle. L’Occident et son rapport rationnel au monde n’excluent pas d’essayer de comprendre la spiritualité africaine et l’accepter. Dans le contexte africain, le pouvoir spirituel non physique fait partie de ce monde, alors que les systèmes de croyances européens supposent l’existence d’un Dieu d’un autre monde. En Afrique, la croyance en un pouvoir surnaturel omniprésent qui gère le monde se mêle au christianisme et à l’islam. Néanmoins, il n’est pas malvenu de faire preuve de scepticisme et de rejeter certaines pratiques liées à la sorcellerie (notamment la magie noire), tout comme certains Africains eux-mêmes le font, en critiquant les effets négatifs de l’engouement pour les sorciers et sorcières malfaisants.

Conclusion 

La sorcellerie en Afrique est un phénomène complexe qui existe depuis des siècles et qui continue d’influencer de nombreux aspects de la vie sur le continent. Bien qu’elle puisse être considérée comme faisant partie intégrante de la culture africaine, sa pratique comporte toujours des dangers. Pour bien comprendre cet ancien système de croyances, il faut aller au-delà des stéréotypes et examiner ses racines spirituelles. La sorcellerie reste à la fois une tradition acceptée et une source de peur ; comprendre son fonctionnement peut nous aider à réduire les conséquences négatives liées à la superstition et à la violence. En fin de compte, la sorcellerie continuera à façonner les sociétés africaines si les gouvernements prennent des mesures proactives pour éduquer les gens sur ses réalités plutôt que d’essayer de l’éradiquer complètement de leurs cultures.