La sorcellerie en Afrique : une réalité encore mal comprise

sorcellerie africaine

Sommaire :

  • Impact de la sorcellerie sur la société africaine.
  • Le lien entre spiritualité, sorcellerie et vie publique.
  • La sorcellerie comme outil d’interprétation de la réalité.
  • Sorcellerie à 2 visages : la bienfaisante et la malfaisante.
  • Violences et meurtres liés à la sorcellerie.
  • Entre acceptation et rejet : la réalité de la sorcellerie

L’Afrique est le berceau d’une histoire longue et complexe de sorcellerie, les croyances dans le pouvoir de la magie et de la sorcellerie remontant à plusieurs siècles. Dans de nombreuses régions du continent, les pratiques traditionnelles sont encore largement acceptées aujourd’hui, malgré les efforts des gouvernements pour les éradiquer. La sorcellerie est devenue une source de peur pour certaines personnes en Afrique, mais aussi une partie intégrante de leur culture et de leur identité pour d’autres. Pour comprendre ce phénomène puissant, il faut aller au-delà des stéréotypes et plonger dans ses racines spirituelles. Cet article explore la signification de la sorcellerie dans les sociétés africaines contemporaines, la manière dont elle est pratiquée et les raisons pour lesquelles elle reste un élément important de la vie dans ces pays.

Impact de la sorcellerie sur la société africaine

Critère social

La sorcellerie comporte de nombreux risques sociétaux qui aggravent la détresse culturelle, les frictions sociales, la méfiance politique et les conflits ethniques. En effet, dans certains pays d’Afrique, la pauvreté, la jalousie et la corruption entraînent le chaos, l’insécurité et la violence. Ces problèmes, d’importance nationale, sont souvent mis sur le dos de la sorcellerie. 

Afin de résoudre ces tensions sociales, la chasse aux sorcières et la sorcellerie elle-même sont décrétées illégales dans la plupart des régions d’Afrique. Par exemple, la loi sud-africaine sur la répression de la sorcellerie a été adoptée en 1957. Elle interdit l’utilisation et la pratique de la sorcellerie traditionnelle sud-africaine.

Cependant, ces dernières années, les accusations de sorcellerie ont atteint des sommets sans précédent. On pense que cela est dû à un développement économique inégal des zones urbaines, reflétant les tensions entre les villageois ruraux et les élites. Plus encore, ce genre de conflits crée de la jalousie entre les membres de certaines communautés africaines.

 

Critère féminin

Certains sociologues affirment que les accusations de sorcellerie contre les femmes africaines sont plus courantes qu’ailleurs. D’après eux, il s’agirait d’essayer de contrôler leur comportement. La sorcellerie devient une justification pour expliquer les relations familiales tendues et les obligations non remplies. Accuser une femme africaine d’être une sorcière la coupera essentiellement de sa famille et de tout héritage futur. En plus de cela, on constate que les accusations de sorcellerie avaient augmenté en raison de plusieurs facteurs :  

comment devenir sorcière
  • Famines saisonnières de la saison des pluies.
  • Tensions dans la maison.
  • Frustrations des hommes.
  • Insécurité générale.
  • Privation économique et insécurité alimentaire.

Il est essentiel de noter une autre raison : les loisirs des femmes. Cette dernière signifie que l’on suspecte les femmes africaines ayant du temps libre de s’adonner aux pratiques occultes. Il est donc plus courant de les accuser de sorcellerie si elles n’ont pas de travail. En effet, bien que les hommes et les femmes puissent être des sorciers, la majorité des accusations dans le passé ont été dirigées contre des femmes d’âge moyen.

Le lien entre spiritualité, sorcellerie et vie publique

 

Le 24 février 2013, des milliers de Kenyans se sont rassemblés dans le parc Uhuru à Nairobi (la capitale). Ils participèrent à une réunion de prière organisée par le prophète David Owuor, adepte de magie noire et de sorcellerie.

Les élections parlementaires au Kenya approchaient. Les gens se souvenaient des émeutes meurtrières qui ont suivi les précédentes élections de 2007. Pour éviter une répétition de ces horreurs, les Kenyans du parc Uhuru ont prié pour la paix. Ils ont aussi chanté des hymnes et ont agité des drapeaux blancs.

Au cours de l’évènement, six candidats à la présidentielle ont promis d’assurer un processus électoral pacifique. Ils se sont repentis de leurs péchés, se sont tenu la main et se sont pardonnés mutuellement. À la fin, le prédicateur leur a assuré que le Kenya allait renaître et organiser des élections pacifiques. Les journaux ont couvert la réunion de prière. Ils ont également rapporté avec diligence que le « prophète » avait miraculeusement guéri un aveugle de 10 ans au cours de sa prestation.

Cet exemple montre comment la spiritualité et la sorcellerie sont omniprésentes et importantes dans la politique en Afrique. Les prières ouvrent et clôturent les réunions de famille, les séminaires ou les rassemblements publics. Par ailleurs, la majorité de la population va à l’église le dimanche ou à la mosquée le vendredi.

La sorcellerie comme outil d’interprétation de la réalité

Suivant les croyances, les religions ou les continents, on interprète les évènements de différentes manières. Par exemple, si quelqu’un a un accident de voiture, les Occidentaux supposent que la personne a conduit trop vite, qu’elle a eu un moment d’inattention ou que les freins n’ont pas fonctionné. Un Africain est plus susceptible de dire que quelqu’un a utilisé la sorcellerie pour nuire à la personne concernée, qu’on lui a jeté un sort ou qu’il est victime du mauvais œil. Cette croyance influence de nombreuses facettes de la vie. Elle a même des conséquences sur des questions pratiques telles que la propriété foncière ou l’application des lois.

Le plus souvent, les personnes étrangères aux pays où la sorcellerie est présente pourront utiliser des arguments psychologiques, voire psychiatriques, pour expliquer ce que leurs homologues africains considèrent comme l’influence des fantômes, des esprits, des ancêtres, des malédictions, des bénédictions et des envoûtements. 

mauvais oeil

John Mbiti connaît de telles histoires. Un exemple s’est produit à Accra, la capitale ghanéenne, dans les années 1960. Sur un grand chantier de construction, on a abattu tous les arbres, sauf un qui a résisté à la machinerie lourde. Le contremaître africain a déclaré qu’un fantôme vivait dans l’arbre. Il a suggéré de le désenvoûter avant qu’on l’abatte. On a appelé pour cela un prêtre traditionnel. Ce dernier a demandé trois moutons et trois bouteilles de gin à offrir au fantôme. Il a également demandé qu’on le paye pour ce rituel. On a versé le sang des moutons et le gin sur le sol autour de l’arbre. Ensuite, le sorcier est devenu médium, a parlé avec le fantôme et l’a convaincu de passer à un meilleur arbre. Par la suite, ni bulldozer ni tracteur n’étaient nécessaires. Les travailleurs africains ont facilement déraciné l’arbre à mains nues.

Sorcellerie à 2 visages : la bienfaisante et la malfaisante

Mais la sorcellerie a 2 visages. Cela peut être positif et curatif, mais aussi négatif et destructeur. Un bon exemple est que les gens peuvent forger la paix sous les arbres sacrés après des conflits, des maladies ou des catastrophes naturelles. La cérémonie comprend toujours la guérison de la terre, car après la perte de vies humaines, la terre doit être nettoyée. Elle représente un service commémoratif, mais en même temps, c’est un rituel qui reconnaît la Terre comme la « mère » blessée ou offensée.

Sorcellerie bienfaisante

Les guérisseurs traditionnels, qui tirent leur pouvoir des esprits ancestraux, ont des intentions constructives. Ils aident à guérir les maladies et à faire des prédictions. Un guérisseur peindra son visage en blanc, marmonnera dans un langage étrange et utilisera des objets tels que des cornes d’antilope ou de cobaye, des mâchoires d’impala, des cheveux d’élan ou des peaux de reptiles. Un sorcier guérisseur est très différent d’un guérisseur qui utilise des plantes et la médecine traditionnelle et dont les compétences médicales reposent sur les connaissances traditionnelles et non sur la spiritualité.

 

Sorcellerie malfaisante

Mais il existe bien évidemment de la sorcellerie avec de mauvaises intentions. Cette magie noire est censée rendre quelqu’un malade, voire provoquer la mort ou la folie des gens. David Signer, un anthropologue social suisse, rapporte depuis l’Afrique de l’Ouest que les gens sacrifient des coqs ou des chèvres. Ils lancent aussi des coquilles de cauris pour raconter l’avenir et apprendre comment se développera une dispute avec un ennemi. Il a observé aussi qu’on décore les lieux de cérémonies de fétiches, et que les sorciers fabriquent des amulettes pour ceux qui cherchent de l’aide pour contrer leur adversaire.

David Signer déduit de son travail que la jalousie est à l’origine de la sorcellerie maléfique et nuisible. En effet, personne ne devrait étendre son niveau de richesse ou d’influence au détriment d’autres personnes, en particulier les personnes âgées. Ceux qui deviennent trop puissants ou riches doivent être affaiblis, voire détruits. Et c’est à travers la sorcellerie que ces règlements de compte se font. David Signer voit cette attitude comme l’une des raisons pour lesquelles le développement de certaines régions de l’Afrique est en retard par rapport au reste du monde. Toutefois, ses constatations restent hypothétiques.

Violences et meurtres liés à la sorcellerie

Ce qui reste certain, c’est que la croyance en la sorcellerie est répandue. Les sorciers, qui sont censés combattre la sorcellerie maléfique, affirmeront que les politiciens sont de très bons clients. Des statistiques rapportent qu’au Ghana, 41 étudiants en médecine sur 45 croyaient à la sorcellerie. Plus encore, que les maladies peuvent être causées par des envoûtements et des mauvais sorts.

Cette croyance peut avoir parfois des conséquences dévastatrices. En effet, même dans les pays avancés comme le Ghana et le Kenya, on accuse souvent les gens de sorcellerie. On les persécute et les assassine. Plus particulièrement les personnes âgées et les femmes. Dans le nord du Ghana, il existe des soi-disant « villages de sorcières ». Dans ces endroits, on accuse les femmes de faire de la sorcellerie. La peur des réprimandes violentes les pousse à fuir et à chercher refuge. D’ailleurs, une étude de l’UNICEF a souligné que même les enfants sont victimes de violence en tant que prétendus sorciers en Afrique. Certains sont même tués. Entre 1991 et 2001, environ 22 500 Africains auraient été lynchés au motif qu’ils auraient pratiqué la sorcellerie.  

Entre acceptation et rejet : la réalité de la sorcellerie

Ainsi, bien que la spiritualité reste difficile à évaluer, la sorcellerie est belle et bien réelle. L’Occident et son rapport rationnel au monde n’excluent pas d’essayer de comprendre la spiritualité africaine et l’accepter. Dans le contexte africain, le pouvoir spirituel non physique fait partie de ce monde, alors que les systèmes de croyances européens supposent l’existence d’un Dieu d’un autre monde. En Afrique, la croyance en un pouvoir surnaturel omniprésent qui gère le monde se mêle au christianisme et à l’islam. Néanmoins, il n’est pas malvenu de faire preuve de scepticisme et de rejeter certaines pratiques liées à la sorcellerie (notamment la magie noire), tout comme certains Africains eux-mêmes le font, en critiquant les effets négatifs de l’engouement pour les sorciers et sorcières malfaisants.

Conclusion 

La sorcellerie en Afrique est un phénomène complexe qui existe depuis des siècles et qui continue d’influencer de nombreux aspects de la vie sur le continent. Bien qu’elle puisse être considérée comme faisant partie intégrante de la culture africaine, sa pratique comporte toujours des dangers. Pour bien comprendre cet ancien système de croyances, il faut aller au-delà des stéréotypes et examiner ses racines spirituelles. La sorcellerie reste à la fois une tradition acceptée et une source de peur ; comprendre son fonctionnement peut nous aider à réduire les conséquences négatives liées à la superstition et à la violence. En fin de compte, la sorcellerie continuera à façonner les sociétés africaines si les gouvernements prennent des mesures proactives pour éduquer les gens sur ses réalités plutôt que d’essayer de l’éradiquer complètement de leurs cultures.